L'oeuf du démon

Un jour, par la poste, Zacharie reçoit par erreur un colis renfermant un œuf hermétiquement clos porteur d’une mystérieuse inscription en langue arabe. Il met dans la confidence son copain Farouk et la grand-mère de celui-ci récemment arrivée du Maroc. Il s’avère que lire à haute voix la fameuse phrase de l’œuf libère un mauvais génie, ce que les deux garçons vont apprendre à leurs dépens.

Humour : tel est le maître mot de ce livre. Au début, avec cet œuf mystérieux et inviolable, une intrigue ‘classique’ mélangeant paranormal et féérie semble nous être proposée. On s’attend à voir sortir assez rapidement de l’œuf un être étrange et embarquer ainsi pour un monde fantastique, mais face à l’obstination de cet œuf à ne pas vouloir s’ouvrir, nous sentons une autre piste possible. La confirmation arrive lorsque Zacharie se rend au garage du père de Farouk. Tous les mécaniciens s’échinent à ouvrir l’œuf, sans résultat, et le dernier qui tente sa chance avec une masse envoie l’œuf ‘transpercer la portière du Hummer de Mme Debarge’. But ! Le parti pris est celui de l’humour à tendance ironique. Le pacte est signé.

On rit à la présentation de la grand-mère fraîchement arrivée du Haut-Atlas. Pas de descriptions folkloriques pour cette vieille femme pourtant traditionnelle, mais un hommage rendu sous cette forme : ‘sans elle Farouk aurait tout ignoré de la coutume berbère consistant à beurrer les poignées de portes […] et Toufik n’aurait pas eu si tôt sa première carie à force de se gaver de loukoum’.

On rit lorsque Zacharie, qui s’est fait lire l’inscription de l’œuf par le recteur de la mosquée et l’a enregistrée sur un dictaphone, appelle Farouk au téléphone pour lui faire écouter. Il oublie de rembobiner la cassette et son ami entend alors la mère de Zacharie égrener une liste de courses car elle utilise le magnéto comme pense-bête. On est loin d’une mise en scène de lecture de phrase d’une voix mysterio-caverneuse.

On rit à la première apparition du génie : elle ne se fait pas dans une fumée blanche et vaporeuse mais dans un grand fracas de table de cuisine fracassée sur l’évier et de poubelle renversée.

On rit ensuite aux différentes interventions du maridin qui rend les cloisons transparentes (très amusant dans les toilettes du collège), qui déguise Farouk en héros des Mille et une nuits (toujours au collège, si bien que celui-ci doit inventer une participation à une pièce de théâtre fictive), qui se transforme en mère de Zacharie sans parvenir à changer sa voix, etc…

Ainsi, dans les rires, l’histoire avance, l’intrigue se resserre et l’énigme se résout. Eric Boisset réussit là un livre totalement adapté aux jeunes lecteurs (à partir de 10 ans) tant par l’histoire (original et passionnant ce concept de génie sorti de l’œuf) que par le style dont l’humour ne se résume pas à une interprétation d’adulte pour les plus jeunes mais est pioché directement dans leurs univers. J’en donnerai pour preuve ce passage :

‘Salut les gars ! Qu’est-ce qu’on a comme cours en première heure ? J’ai la flemme de sortir mon emploi du temps.

- Je ne peux pas te répondre […] j’ai la flemme d’agiter ma langue dans ma bouche.’

D’ailleurs, pour qui connaît un peu le circuit des livres pour enfants, on sait que cet auteur est souvent présent sur les salons, dans les écoles et les bibliothèques.

Echange fructueux.

Catherine Brosse

Eric Boisset, L’œuf du démon (Plon, parution le 15 mai 2008) A partir de 10 ans.